L'ombre d'un rêve

Aucun Vendée Globe ne ressemble à un autre. Du vainqueur au dernier, de Titouan Lamazou à Charlie Dalin, ce tour du monde de tous les extrêmes raconte autant de tranches de vie et d’aventures dissemblables d’un skipper à l’autre, et toutes d’une infinie richesse technologique, humaine, voire philosophique.

Pour son troisième tour du monde, le Nordiste Thomas Ruyant a une nouvelle fois, dans l’effort, dans la persévérance, et avec conviction, encore écrit une belle histoire, un roman au scénario par lui-même inenvisageable, improbable et déroutant. L’aventure, le combat physique et mental, la découverte, la quête incessante de la perfection nautique n’ont pas pris le visage qu’il s’était depuis si longtemps entraîné à ciseler.

Ainsi va cet ultime challenge dans la vie d’un coureur au large, quand rien ne se déroule comme prévu et dont le marin groggy émerge souvent transfiguré par le fracas de ses rêves bouleversés. Il rêvait de victoire. Il termine à la 7ème place d’une édition historique, relevée comme jamais, dans laquelle il a pris toute sa part, de performances et d’émotions.

Je rate le coche…

Thomas Ruyant à bord de VULNERABLE, plan Koch-Finot Conq lancé en 2023, en a terminé ce matin à 05h49 avec son 3ème Vendée Globe. Le marin de 43 ans cueille les lauriers de la 7ème place, au terme de 75 jours, 16 heures et 47 minutes d’une course d’une rare intensité, engagée comme aucune des 9 précédentes éditions.

Thomas aura su jusqu’à l’entrée dans l’Océan Indien, tenir ce rang de grand favori que nombre d’observateurs lui reconnaissaient au départ du 10 novembre dernier. Premier à franchir l’équateur, 2ème à Bonne Espérance, il n’aura pas su, ou pu, prendre le wagon décisif à l’orée de l’Océan Indien, qui décidera de l’issue de l’épreuve en permettant aux trois lauréats du podium de s’échapper. « Je rate le coche pour une quarantaine de milles » reconnait-il en refusant tout sentiment d’amertume. « J’ai fait mes choix en homme de mer, en considérant à un instant « T » les risques et les dangers du moment. Je les assume. »

A l’aise dans les mers du sud, confiant en son extraordinaire machine taillée pour voler sur ces grosses mers formées, il parvient une première fois dans le Pacifique à creuser un écart conséquent en tête du groupe de poursuite. « Ce fut comme un nouveau départ pour moi, loin derrière les premiers mais au contact d’un  groupe sérieusement énervé, où évoluaient Jérémie Beyou, Paul Meilhat, Boris Herrmann, Nicolas Lunven, Sam Goodchild… Je croyais avoir fait le nécessaire pour m’offrir une remontée de l’Atlantique plus sereine ».

4ème à Leeuwin, il franchit le cap Horn bien calé à cette 4ème place le 27 décembre, après 47 jours et 5 heures seulement d’un incessant combat. L’Atlantique, si favorable à l’aller, avec des records de vitesse par 24 heures battus à plusieurs reprises et de nombreuses journées à plus de 550 milles avalés à des vitesses proprement phénoménales, lui tourne brutalement le dos. « Pour la deuxième fois, je me fais reprendre, bloqué par la météo. Puis survient la perte de mon J2, cette voile d’avant impérative, dont l’absence me fait de nouveau rater le bon wagon dans l’immense dorsale anticyclonique du Cap Frio. Je comprends alors ce qui m’attends, comme en 2020 avec la perte de mon foil. La terrible réalité du handicap me percute de plein fouet. Je sais que je ne joue alors plus dans la même cour que mes adversaires, et que la suite du parcours ne sera plus qu’une pénible histoire de compromis. »

Des émotions uniques

Thomas le guerrier fera dès lors étalage de son talent et de sa résilience, capable de trouver d’inédites combinaisons de voiles pour parvenir, au-delà de l’équateur, dans un alizé peu favorable à son plan de voilure inadapté, à entrer dans les régimes perturbés d’Atlantique Nord, sur une mer démontée et dans le vent tempétueux. « Cette course est une infinie succession de moments forts, d’émotions humaines et sportives uniques, qu’aucune autre course ne procure. » Le Vendée Globe se refuse ainsi au vainqueur des trois dernières transats majeures du circuit IMOCA. « Et pourtant, je ne parviens pas à le détester » avoue Thomas. « Cette course me rend fier, fier de l’avoir terminée, fier d’avoir été de cette édition extraordinaire. Tous les marins que me précèdent sont d’exceptionnels coureurs révélés, formés par la Solitaire du Figaro. Ils ont tiré cette course vers le haut, vers des sommets rarement atteints. J’avais la machine que je voulais pour relever ce défi. Elle ne m’a pas trahi, grâce au travail en amont des équipes de TR Racing et de mon partenaire Advens. Porter les couleurs de la vulnérabilité, avec mon camarade d’écurie Sam Goodchild, lui aussi grande révélation de ce Vendée Globe, et participer à l’avènement d’une nouvelle cause sociétale, la reconnaissance du poids et de la richesse de la vulnérabilité dans nos sociétés et pour notre planète, a été un moteur fort, constant durant la course et je suis heureux que le Vendée Globe ait ainsi, par sa notoriété et sa résonance, permis d’avancer sur cette prise de conscience positive de nos vulnérabilités. »

Temps de course :

Equateur :
1er         Thomas Ruyant (VULNERABLE) 11j 07h 08min 15s
 
Cap de Bonne Espérance :
1er : Charlie Dalin (MACIF Santé Prévoyance) : 19j 03h 43min 02s – 29/11/2024 15:45:02 UTC
2ème : Thomas Ruyant (VULNERABLE) : 19j 05h 53min 21s – 29/11/2024 17:55:21 UTC
 
Cap Leewin :
4ème, : Thomas Ruyant (VULNERABLE)  30j 10h 14min 27s – 10/12/2024 22:16:27 UTC
 
Cap Horn :
4ème  Horn Thomas Ruyant (VULNERABLE)  47j 05h 36min 29s – 27/12/2024 17:38:29 UTC
 
Equateur retour :
8ème Thomas Ruyant (VULNERABLE) 64j 07h 52min 48s – 13/01/2025 19:54:48 UTC
 

Partagez l’article

Compétition

L'ombre d'un rêve

Aucun Vendée Globe ne ressemble à un autre. Du vainqueur au dernier, de Titouan Lamazou à Charlie Dalin, ce tour du monde de tous les extrêmes raconte autant de tranches de vie et d’aventures dissemblables d’un skipper à l’autre, et toutes d’une infinie richesse technologique, humaine, voire philosophique.

Pour son troisième tour du monde, le Nordiste Thomas Ruyant a une nouvelle fois, dans l’effort, dans la persévérance, et avec conviction, encore écrit une belle histoire, un roman au scénario par lui-même inenvisageable, improbable et déroutant. L’aventure, le combat physique et mental, la découverte, la quête incessante de la perfection nautique n’ont pas pris le visage qu’il s’était depuis si longtemps entraîné à ciseler.

Ainsi va cet ultime challenge dans la vie d’un coureur au large, quand rien ne se déroule comme prévu et dont le marin groggy émerge souvent transfiguré par le fracas de ses rêves bouleversés. Il rêvait de victoire. Il termine à la 7ème place d’une édition historique, relevée comme jamais, dans laquelle il a pris toute sa part, de performances et d’émotions.

Je rate le coche…

Thomas Ruyant à bord de VULNERABLE, plan Koch-Finot Conq lancé en 2023, en a terminé ce matin à 05h49 avec son 3ème Vendée Globe. Le marin de 43 ans cueille les lauriers de la 7ème place, au terme de 75 jours, 16 heures et 47 minutes d’une course d’une rare intensité, engagée comme aucune des 9 précédentes éditions.

Thomas aura su jusqu’à l’entrée dans l’Océan Indien, tenir ce rang de grand favori que nombre d’observateurs lui reconnaissaient au départ du 10 novembre dernier. Premier à franchir l’équateur, 2ème à Bonne Espérance, il n’aura pas su, ou pu, prendre le wagon décisif à l’orée de l’Océan Indien, qui décidera de l’issue de l’épreuve en permettant aux trois lauréats du podium de s’échapper. « Je rate le coche pour une quarantaine de milles » reconnait-il en refusant tout sentiment d’amertume. « J’ai fait mes choix en homme de mer, en considérant à un instant « T » les risques et les dangers du moment. Je les assume. »

A l’aise dans les mers du sud, confiant en son extraordinaire machine taillée pour voler sur ces grosses mers formées, il parvient une première fois dans le Pacifique à creuser un écart conséquent en tête du groupe de poursuite. « Ce fut comme un nouveau départ pour moi, loin derrière les premiers mais au contact d’un  groupe sérieusement énervé, où évoluaient Jérémie Beyou, Paul Meilhat, Boris Herrmann, Nicolas Lunven, Sam Goodchild… Je croyais avoir fait le nécessaire pour m’offrir une remontée de l’Atlantique plus sereine ».

4ème à Leeuwin, il franchit le cap Horn bien calé à cette 4ème place le 27 décembre, après 47 jours et 5 heures seulement d’un incessant combat. L’Atlantique, si favorable à l’aller, avec des records de vitesse par 24 heures battus à plusieurs reprises et de nombreuses journées à plus de 550 milles avalés à des vitesses proprement phénoménales, lui tourne brutalement le dos. « Pour la deuxième fois, je me fais reprendre, bloqué par la météo. Puis survient la perte de mon J2, cette voile d’avant impérative, dont l’absence me fait de nouveau rater le bon wagon dans l’immense dorsale anticyclonique du Cap Frio. Je comprends alors ce qui m’attends, comme en 2020 avec la perte de mon foil. La terrible réalité du handicap me percute de plein fouet. Je sais que je ne joue alors plus dans la même cour que mes adversaires, et que la suite du parcours ne sera plus qu’une pénible histoire de compromis. »

Des émotions uniques

Thomas le guerrier fera dès lors étalage de son talent et de sa résilience, capable de trouver d’inédites combinaisons de voiles pour parvenir, au-delà de l’équateur, dans un alizé peu favorable à son plan de voilure inadapté, à entrer dans les régimes perturbés d’Atlantique Nord, sur une mer démontée et dans le vent tempétueux. « Cette course est une infinie succession de moments forts, d’émotions humaines et sportives uniques, qu’aucune autre course ne procure. » Le Vendée Globe se refuse ainsi au vainqueur des trois dernières transats majeures du circuit IMOCA. « Et pourtant, je ne parviens pas à le détester » avoue Thomas. « Cette course me rend fier, fier de l’avoir terminée, fier d’avoir été de cette édition extraordinaire. Tous les marins que me précèdent sont d’exceptionnels coureurs révélés, formés par la Solitaire du Figaro. Ils ont tiré cette course vers le haut, vers des sommets rarement atteints. J’avais la machine que je voulais pour relever ce défi. Elle ne m’a pas trahi, grâce au travail en amont des équipes de TR Racing et de mon partenaire Advens. Porter les couleurs de la vulnérabilité, avec mon camarade d’écurie Sam Goodchild, lui aussi grande révélation de ce Vendée Globe, et participer à l’avènement d’une nouvelle cause sociétale, la reconnaissance du poids et de la richesse de la vulnérabilité dans nos sociétés et pour notre planète, a été un moteur fort, constant durant la course et je suis heureux que le Vendée Globe ait ainsi, par sa notoriété et sa résonance, permis d’avancer sur cette prise de conscience positive de nos vulnérabilités. »

Temps de course :

Equateur :
1er         Thomas Ruyant (VULNERABLE) 11j 07h 08min 15s
 
Cap de Bonne Espérance :
1er : Charlie Dalin (MACIF Santé Prévoyance) : 19j 03h 43min 02s – 29/11/2024 15:45:02 UTC
2ème : Thomas Ruyant (VULNERABLE) : 19j 05h 53min 21s – 29/11/2024 17:55:21 UTC
 
Cap Leewin :
4ème, : Thomas Ruyant (VULNERABLE)  30j 10h 14min 27s – 10/12/2024 22:16:27 UTC
 
Cap Horn :
4ème  Horn Thomas Ruyant (VULNERABLE)  47j 05h 36min 29s – 27/12/2024 17:38:29 UTC
 
Equateur retour :
8ème Thomas Ruyant (VULNERABLE) 64j 07h 52min 48s – 13/01/2025 19:54:48 UTC
 

Partagez l’article

Thomas Ruyant ; analyses passées et réflexions d’avenir….

A peine débarqué de l’IMOCA Allagrande Mapei, qu’il a vaillamment mené à une très honorable 4ème place en compagnie d’Ambrogio Beccaria dans cette Transat Café L’Or, Thomas Ruyant, toujours aussi…

Jour 12 – Transat Café L’Or

Ce soir, à l’heure de l’apéro! Thomas Ruyant et Ambrogio Beccaria en termineront ce vendredi soir, « à l’heure de l’apéro » selon Thomas, avec cette 17ème édition de la Transat Café…

Jour 11 – Transat Café l’Or

Rêve de podium  A moins de 650 milles de l’arrivée à Fort de France, envisagée pour demain vendredi en soirée, Thomas Ruyant et Ambrogio Beccaria à bord d’Allagrande Mapei, continuent…

Jour 10 – Transat Café l’Or

Status quo C’est peut-être le fait le plus marquant mais aussi le plus troublant de cette traversée de l’Atlantique entre les Canaries et la Martinique, l’étonnant status quo entre les…

Jour 9 – Transat Café l’Or

Où l’on tutoie les records… La folle cavalcade des IMOCAs, tribord amure dans l’alizé de Nord Est depuis le franchissement des Canaries il y a trois jours, les emmène tout…

Jour 8 – Transat Café L’Or

Il y a environ 36 heures, l’IMOCA Charal au duo Beyou- Lagravière, s’emparait de nouveau du commandement aux dépends d’11th Hour, l’ex Malizia désormais skippé par Francesca Clapcich. Il a…

Jour 7 – Transat Café l’Or

Un alizé version dilettante…. En parant hier matin la marque de passage obligée de Fuenteventura, dans l’est de l’archipel des Canaries, les IMOCAs en tête de la Transat Café L’Or…

Jour 6 – Transat Café l’Or

Les 9 principaux protagonistes de la Classe IMOCA franchiront ce matin la marque de passage obligée des Canaries posée sur leur chemin vers la Martinique. Après près de 2 000…

Jour 5 – Transat Café l’Or

Regroupement (quasi) général aux Canaries Près de 1 800 milles parcourus par les leaders en 5 jours de course depuis Le Havre, souvent à grande vitesse, pour venir buter dans…

Jour 4 – TCLO

Trou d’air à Madère La belle cavalcade tout schuss vers Madère des leaders de la Classe IMOCA, Charal et Allagrande Mapei, s’est brutalement interrompue en milieu de nuit dernière quand…

Jour 3 – Transat Café l’Or

Flirting with the Low Le contournement débuté hier après-midi et toujours en cours du centre de la grosse dépression Portugaise en déplacement vers le Nord Est, à défaut de redistribuer…

Jour 2 – Transat Café l’Or

Intermède Gascon La furie des premières 36 heures de course dans cette Transat Café L’Or s’est brutalement apaisée en milieu de nuit dernière quand les premiers IMOCAS, emmenés par l’infernal…

Jour 1 – Transat Café l’Or

En bonne compagnie! Pour tous les amoureux de la voile et des sports extrêmes, le spectacle était hier en baie de Seine, devant Le Havre et sous les blanches falaises…

Thomas Ruyant : « Clore en beauté la belle histoire de ce bateau ! »

Thomas Ruyant disputera à l’occasion de cette 17ème édition de la Transat Café L’Or (ex- Transat Jacques Vabre – Route du café), sa dernière course à bord de l’IMOCA Allagrande…

Docteur Thomas et Mister Ruyant

Une carrière de coureur au large professionnel est tout sauf une ligne droite sans bosse ni aspérité. Construire un projet sportif, associé à une ambition de communication pour une cause…